Il n’y a qu’à faire brunir le café vert brut. Ça ne doit pas être tellement plus compliqué que de faire revenir un steak à la poêle ? Détrompez-vous ! En effet, la torréfaction du café dissimule une véritable science à propos de laquelle des livres entiers ont déjà été écrits.
Torréfier du café – ça ne doit pas être bien sorcier ? Si vous saviez…
Une culture solide, une cueillette appropriée, un traitement d’excellence – le café brut contribue largement à la qualité de la fève. Mais c’est la torréfaction, et elle seule, qui parvient à faire ressortir les caractéristiques spécifiques du café – ou à les anéantir totalement. La qualité d’un café dépend entièrement de sa torréfaction.
Torréfier au-dessus de la flamme – le bon vieux temps
La condition indispensable à la torréfaction ? Bien sûr, la machine à torréfier elle-même. Et il commence même à y en avoir un certain nombre maintenant. L’époque à laquelle le café était encore brassé dans une poêle de fonte suspendue au-dessus de la flamme est bel et bien révolue – sauf en Ethiopie. Mais dans le reste du monde, on torréfie aujourd’hui surtout à plus grande échelle !
En bref, on peut dire qu’il existe trois méthodes permettant de chauffer les grains : par contact, au moyen d’air chaud ou par rayonnement. Et comme souvent, rien de tel qu’un savant mélange – car toute la difficulté réside dans le fait de faire chauffer les grains de manière homogène. Personne ne veut de fèves brûlées.
Les deux C : convection et conduction
Le torréfacteur classique, à tambour ou à force centrifuge par exemple, chauffe le café brut en faisant passer la chaleur de ses parois aux grains – donc par contact, ou conduction. Au cours de cette opération, le café est constamment brassé, par un mouvement de rotation ou grâce à des pales, afin que les grains soient torréfiés de manière uniforme. De nombreuses machines utilisent, en plus, de l’air chaud pour obtenir un résultat homogène – la torréfaction s’effectue donc par convection.
Brûlé, dilué, bradé?
Les torréfacteurs tangentiels, tels que nous en utilisons entre autres, torréfient les grains au moyen d’air chaud et présentent un avantage majeur : grâce au mouvement continu créé par les pales de brassage et au souffle d’air supplémentaire, les grains sont remués en permanence – et le risque qu’ils brûlent au contact des surfaces est quasi inexistant. En parlant de surfaces, nous pensons non seulement aux parois de la machine à torréfier mais aussi aux grains eux-mêmes. Grâce à la chaleur qu’ils émettent, ils peuvent contribuer à la poursuite de la torréfaction, l’opération une fois terminée. Afin d’éviter que cela se produise, les grains sont refroidis à l’eau, interrompant la torréfaction de façon immédiate.
De nombreux producteurs industriels se servent malheureusement de ce procédé à leur avantage : avec l’eau, ils rajoutent au grain le poids que la torréfaction lui a fait perdre – avec une perte de goût considérable pour conséquence. Nous veillons donc à ce que nos grains quittent nos locaux avec une teneur en eau maximale de 2,6 pour cent sachant que leur teneur naturelle en eau est de 1,9 pour cent. La loi autorise malheureusement jusqu’à 5 pour cent d’humidité résiduelle.
Quand les grains commencent à transpirer
Nous savons maintenant ce qui arrive au grain. Mais quels effets cela produit-il ? Ils sont nombreux, à l’extérieur comme à l’intérieur du grain. Ainsi, il perd une bonne partie de son poids, 17 pour cent, tout en augmentant son volume. Cette perte de poids est essentiellement due à la vapeur d’eau qui s’échappe, elle a lieu au cours de ce qui s’appelle la première phase.
Le processus le plus complexe est la fameuse réaction de Maillard. Lorsque le grain a accumulé suffisamment de chaleur, les acides aminés qu’il contient commencent à réagir avec le sucre, provoquant ainsi une véritable explosion des arômes ! Avec cette réaction apparaît alors enfin le profil aromatique caractéristique de chaque grain – un profil pouvant être composé en théorie de 1000 arômes.
Le degré de torréfaction en dit beaucoup – mais ne dévoile pas tout
Le goût que le café aura finalement dépend surtout de deux facteurs : la durée de la torréfaction et sa température. Ce sont eux qui déterminent le degré de torréfaction du grain – et donc sa couleur et son arôme. Car, s’il est bien connu que les goûts et les couleurs ne se discutent pas, on peut toutefois s’accorder sur le fait qu’une torréfaction claire contient plus d’arômes de fruits et de fleurs et, en général, une acidité plus importante, qu’une torréfaction moyenne est équilibrée, présente des arômes plus complexes et une légère acidité tandis qu’une torréfaction foncée, si elle n’est dotée que de peu d’acidité, apporte en revanche des arômes de torréfaction puissants et un corps intense.
Mais les apparences peuvent parfois être trompeuses. Les produits industriels de mauvaise qualité sont souvent soumis à un processus de torréfaction rapide : foncés d’aspect, ces grains sont souvent encore verts à cœur. En plus de donner un goût mauvais, ce type de torréfaction donne aussi au café sa réputation de danger pour l’estomac. Ce n’est en effet qu’au moyen d’une torréfaction lente et douce, telle que nous la réalisons, que la fève perd l’acide chlorogénique qu’elle contient – un bien vilain nom pour une substance qui donne des maux d’estomac à de nombreuses personnes.
Une science à part entière
Tout aussi curieux que cela puisse paraître, il ne s’agit là que d’un petit aperçu du grand art de la torréfaction. Des dizaines de livres ont été consacrés à ce sujet – et il existe encore au moins autant de points de vue différents, et de débats, sur celle des méthodes qui est finalement la meilleure. Ce n’est pas sans raison que la personne qui élabore un café porte le titre de « maître torréfacteur » et non pas simplement de « torréfacteur ». Eh bien non, la torréfaction ne s’apparente, ni de près ni de loin, à la cuisson d’un steak !